Superman’s complex

photographie d' Alba Rodriguez Nuñez

photographie d’ Alba Rodriguez Nuñez

De longues discussions avec Ania sur l’impact de l’action menée. L’importance qu’elle peut avoir, le risque de l’inutilité. Le principe de résidence, normalement réservée aux artistes, est pour le chercheur (tout comme pour l’artiste je présume), un bouleversement méthodologique. Le rapport au temps nécessite une adaptation totale (et non toujours possible) du chercheur à son terrain, tout comme il oblige à des confrontations déontologiques permanentes. Etre sur le terrain oui, mais pour quoi faire? Pour laisser quoi? Le terrain ne se doit pas, dans la recherche-action (dont la plupart d’entre nous se réclame), de n’être qu’un outil; bien au contraire. Il est la raison de la recherche. Mais de la recherche ou du terrain, qui est à disposition de qui ici?  Nous avons tous des projets à mener, nous collectons des discours (pour ma part) par le biais d’entretiens. En quoi ces entretiens peuvent-ils être vraiment utiles au quartier de Campo Claro? Que peuvent-ils apporter aux habitants de ce quartier, concrètement? Rester trois semaines, puis partir? Revenir avec une exposition et un séminaire? Combien de personnes du quartier viendront effectivement à un séminaire scientifique? Réinterroger les représentations sur les quartiers dits populaires, oui, mais pour quel enjeu? Auprès de qui? Auprès des autres, de ceux des autres quartiers? Et concrètement, aux habitants de Campo Claro, qu’est-ce que ça leur apporte?

 A quoi sert une démarche scientifique sans impact réel sur la situation observée? Quel peut être l’impact d’une sociolinguistique française sur une situation de minoration sociale en Espagne – Catalogne? Comment pouvoir permettre à cette recherche d’avoir un impact, quel qu’il soit? Apporter une aide dans une recherche action commandée par une institution est aisée : on peut leur fournir des clés d’interprétation de ce fameux “réel”, leur proposer d’autres analyses de leurs pratiques afin d’aider dans un processus quel qu’il soit, avec le regard extérieur nécessaire à ce type de travail.

Ici, tout est différent. En tant que sociolinguistique spécialisée en psychosociolinguistique, travailler avec autant de personnes me demande une nouvelle approche, et évoluer en permanence dans un contexte de production si tendu / si rapide semble exiger des réponses à ces questions. De la même façon, la vie au coeur de l’équipe ainsi que les difficultés rencontrées ne permettent pas le recul nécessaire à l’analyse des pratiques discursives des uns et des autres ; ce qui, pourtant, m’apparaitrait comme essentiel au vu de la démarche même de ces résidences inter-disciplinaires et culturelles. Le recul nécessaire à la maturation d’un projet scientifique est vraiment douloureuse et impossible à obtenir dans un contexte de productions / recueils / analyse / rencontres aussi soutenu, néanmoins il est envisageable que quelques semaines passant, les observations faites prennent enfin le chemin d’analyses approfondies.

L’importance et le temps d’écoute consacré aux gens du quartier, reconnue par cette équipe internationale d’Expeditions comme les détenteurs du savoir empiriques peut être un biais, apporter un changement au niveau macro sociétal. Mais ne sont-ce pas seulement des représentations présompteuses de ma part? Néanmoins, le protocole d’enquête mis en place semble fonctionner, et la rencontre avec M3 s’est bien déroulée. David a permis, en commençant ses entretiens, à briser la glace, à créer ce lien nécessaire au bon déroulement des entretiens. La traduction immédiate, faite par ses soins et ceux d’Anna, permettent une meilleure compréhension de la situation et une transcription beaucoup plus évidente. De plus, les entretiens de David sont intéressants à observer et quelques subtilités langagières saisies en espagnol permettent d’enrichir mes observations et analyses des sentiments d’appartenance au sein de Campo Claro.

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