Step by step

# 01

Nous sommes arrivés sur le territoire de Maurepas le 07 mars 2013.
Sur place je partage mon logis avec 3 autres explorateurs, au rez-de-chaussée d’une des tours de 15 étages qui constituent l’ossature de cet espace urbain. Nouvel espace, nouvel équipage, nouvelle approche.Avant de se lancer dans l’aventure je ressens le besoin impérieux de faire le plein de ressources. Rassembler mes esprits et nourrir ma réflexion de celle des autres. J’installe donc très vite un bureau et une petite bibliothèque de fortune dans l’appartement qui nous est alloué. Un espace ouvert sur le quartier par une large baie vitrée. Et l’étrange sensation d’observer ou d’occuper un aquarium.

# 02

Expliquer ses premières intentions aux autres reste toujours un exercice aussi difficile. Je navigue en plein brouillard. On y voit pas à 2 mètres devant soi et pourtant il faut déjà presser le pas.

Je me plais à rapprocher ma pratique d’une démarche scientifique. Émettre une hypothèse, poser un protocole de recherche et tester par des expériences répétées la validité de l’hypothèse. Cette tendance à la rationalisation est très probablement un moyen pour moi d’amadouer mes angoisses et d’organiser mes idées.

# 03

La notion de « représentations » reste le fil rouge de ma recherche. J’interroge la matière mentale. Et dans ces premiers temps d’expédition, l’agitation intérieure est à son paroxysme. J’en profite pour remplir les pages de mon carnet. Toutes les idées sont bonnes à prendre. Les choses se déclenchent parfois sur un petit rien. Au détour d’une discussion, d’un malentendu ou d’un mot d’esprit, on décèle parfois une ouverture potentielle.

Dans ce contexte de recherche collective, internationale et pluridisciplinaire en quartier populaire, on aborde assez vite la question du stéréotype, non sans humour d’ailleurs. On joue avec les idées reçues, les « on dit » et autres expressions populaires que possède chacun. De fil en aiguille, mon attention s’arrête sur l’usage du proverbe.

Après une rapide tentative d’étude linguistique, je cerne un peu mieux les mécanismes de construction de ces formules métaphoriques ou figurées, et j’interroge au passage ma propre pratique souvent basée sur l’utilisation de ce genre d’artifice langagier. Une manière détournée d’exprimer sa pensée. En grossissant le trait, le bon-sens en devient absurde et l’expression commune révèle son potentiel réflexif.

# 04

Les discussions avec mes co-explorateurs vont bon train. Chacun fait part de ses questionnements et libère un peu de tension au passage. Tout est mis sur la table en même temps : organisation, barrière de la langue, expérimentation avec des enfants, véracité des résultats, utilisation de l’humour en sociologie, signes extérieurs de précarité, agir dans l’espace public, idéal et bienveillance… Au milieu de ce champ discursif, j’ajoute mes réflexions à celle des autres :– Comment s’installe un sentiment de peur de l’autre ?
– Comment réussir à perturber sa pratique quotidienne ?

# 05

Assis à mon petit bureau, le nez dans les bouquins, je me réfugie derrière les expériences passées en tentant d’y trouver la réponse à mes questions. Mais force est de constater que peu à peu je me perd dans les méandres de la théorisation hasardeuse. Obsédé que je suis par la volonté de laisser mon emprunte sur le quartier et sur ce projet, je me fige et j’en oublie le plaisir simple de l’expédition. Partir à l’aventure et se risquer à des expériences instinctives sans craindre d’aboutir à un échec. C’est bien sûr plus facile à dire qu’à faire…

La matière est là partout autour de nous, sous notre nez, il faut juste la saisir et jouer avec. J’engage donc une première tentative et décide d’aller gribouiller mon carnet pendant quelques heures en terrasse sur la dalle du Gros Chêne. Le centre névralgique du quartier. Ici comme dans les rues environnantes, on se sent comme dans un petit village. Tout le monde se connaît pourrait-on dire. Du coup notre présence interpelle.

J’essaye de passer inaperçu, de me fondre dans le paysage et d’ouvrir mes écoutilles. Observer avec ses oreilles est un exercice que j’apprécie beaucoup. J’aimerais jouir pleinement du plaisir d’être incognito mais je sais que ça n’est pas le cas. Je reste sur la défensive  tout au long de l’expérience. Je n’ose regarder le groupe de jeunes à quelques mètres de moi, de peur qu’ils ne le prennent mal… La rencontre ne se fera pas avec eux finalement mais avec un autre habitant du quartier.

à suivre…

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