Vision de l’intérieur, vison de l’extérieur / Internal vision, external vision
Une des premières idées du projet consiste à rendre compte et à distinguer les différents regards portés sur le territoire exploré (ici identifié au préalable comme un quartier populaire). Pour cela, nos dispositifs d’observation permettent de collecter, en les « débusquant », ces visions chez des personnes qui vivent à l’intérieur et chez celles qui vivent à l’extérieur du territoire, c’est-à-dire dans un autre quartier ou dans le centre-ville. Il s’agit plus précisément d’identifier certains discours, certaines représentations sur ce territoire. Ainsi, les explorateurs montrent, décrivent, racontent le territoire exploré par le biais de leur dispositif d’observation.
Cette vision de l’intérieur est largement assumée par les différents entretiens et les interviews effectués, les représentations formelles, les captations sonores, etc. Elle se rencontre aussi dans le travail d’exploration des enfants avec les pédagogues, notamment lorsqu’ils mettent à l’épreuve les stéréotypes sur la femme (Justyna), lorsqu’ils réalisent un inventaire de silhouettes (GRPAS), lorsqu’ils s’appuient sur la vie quotidienne du quartier pour construire un plateau de jeu de société (Casal L’Amic). La vision qui émane de l’extérieur apparait dans diverses excursions entreprises par les explorateurs. Chacun s’enquiert de ce qui se dit sur ces territoires, leur évolution, leur situation. Par exemple à Tarragona, Unai effectue un reportage dans le centre-ville à propos du quartier de Campo Clao. Ou encore, David récupère des données officielles, historiques, démographiques et sociologiques. Ces informations proviennent des institutions extérieures. D’autres sources nous renseignent sur ces représentations extérieures. Je pense au discours que portent les personnes les habitants d’un quartier au sujet de l’extérieur (le centre-ville, un autre quartier). Ces discours ne révèlent-ils pas, à l’inverse, des représentations extérieures au territoire ? Lorsque, par exemple, ces représentations font ressortir des sentiments d’exclusion, d’injustice et de défiance, ne montrent-ils pas une réalité perçue de l’extérieur ? De mon point de vue, la démarche que chaque membre d’Expéditions met en œuvre, les problématiques soulevées, la façon d’aborder le territoire exploré, les actions entreprises et les difficultés rencontrées contiennent, de manière diffuse, mais marquée, une représentation de ces territoires. Je crois sincèrement que cette manière de voir émane de l’extérieur du territoire, que l’on y vive ou non. Toute action pédagogique, artistique ou de recherche ne porte-t-elle pas une vision extérieure au lieu qu’elle investit ? Toute action d’observation, toute stratégie d’exploration de l’intérieur vers l’intérieur n’inoculent-elles pas un discours dans les territoires explorés ? Une valeur morale défendue ? Une hypothèse que l’on cherche à affirmer ou infirmer ? Une affirmation mise en contraste (Je pense a la phrase d’Unai, « Lo importante es la base ») ? À ce stade du projet, actuellement en résidence à Varsovie dans le quartier de Praga, nous logeons dans un hôtel qui me fait de plus en plus penser à un camp de retranchement pour journalistes en mission de reportage dans une zone à risque. Nous avons beau nous immerger, nous infiltrer, pour récolter la parole des personnes vivant à l’intérieur du territoire exploré — faire des images, entreprendre des actions de rencontre — nous ne pouvons qu’interpréter d’un point de vue extérieur ce que nous produisons et les données que nous manipulons. Au fond, ce regard extérieur des territoires explorés est avant tout assumé par les processus et les dispositifs des explorateurs dans le projet Expéditions. Mais dans un même geste, ce regard ne crée-t-il pas un mouvement d’extériorisation, de prise de recul, au sein duquel nous entrainons les personnes rencontrées ? C’est une façon de donner à ce regard extérieur la fonction positive de partage de points de vue qui donnent à voir et à vivre différemment la réalité explorée. Nous pouvons y voir la question de valorisation du territoire et de ses ressources culturelles défendue par Ania et Zofia par exemple, ou bien la notion d’« empowerment » développée entre autres dans la pédagogie sociale du GPAS. Nous pouvons enfin y voir l’action des artistes lorsqu’ils jouent sur la perception de la réalité, avec les travaux de Goro ou de Richard. |
One of the first idea in this project consist to show and discern the different looks at the explored territory (identified as a popular neighborhood). To do that, our observing devices give us the possibility to collect those visions from people who live inside the neighborhood and other people from outside, I mean in another neighborhood, or in the center. Thus, we identify the discourses, some representation about the territory. In this case, explorers showing, describing and telling the territory by observing devices.
This vision is widely assumed by different interviews, formal representations, audio recordings, etc. We can see them in the exploring works of kids with pedagogues, in particularly when they put on the proof the women stereotypes (Justyna, Warsovie, Poland), when they do an inventory of human silhouettes (GRPAS, Rennes, France), when they represent the daily life of the neighborhood in game (Casal L’Amic, Tarragona, Spain). The external vision of the neighborhood appears in various excursions made by explorers. Everybody tries to capture that is said on these territories, their evolution, their situation. For example in Tarragona, Unai makes a reportage in the city center about the Campo Claro neighborhood. Or, David collects some official data about history, demography and sociology studies. Such information come from external institutions. There is some other way to give some external representation. I think about the discourses that inhabitants have about the outside (city center, other neighborhood). These discourses do they reveal, in contrast, external representations to the territory ? When, for example, these representations reveal some exclusion feeling, injustice and mistrust, don’t they are showing a external perception of the reality ? In my opinion, the process of each member of Expeditions, issues raised, exploring strategies, actions and difficulties, all these things include, diffusely, but strongly, a representation of these territories. I think sincerely that this way of looking emanates from outside the explored territory, even if we live inside. Any pedagogic, artistic or researcher action don’t it has an outside view of the invested place ? Any observing action, any exploring strategy from inside to inside doesn’t it inoculate a discourse into the explored territories ? Hypothesis that we want to affirm or infirm ? A contrasting affirmation (I think for example about « lo importante es la base » of Unai) ? Actually in residency in Praga neighborhood, we are living in a hostel which look like more and more as a safe place for journalist in a dangerous zone. We try to be merged, to be infiltrated to collect the speech of inhabitants — make some pictures, provoke some meeting— but we are only being able to give an external interpretation of what we produce and on the data that we manipulate. Basically, this external view of explored territories is assumed by exploring processes and devices inside the project Expeditions. But in a same time, this view does not it makes another movement of externalization, a taking back in which we train the people we met ? It is a way to give a positive function at this external vision, to sharing the point of view, to have a new experience of the reality. We can see on that the question of the valuation of the territory and its cultural resources that discuss about Ania and Zofia, or the empowerment concept developing by the GPAS. We can see also in the reflexion the artistic actions when artists playing with the perception of the reality, with Goro and Richard. |
Ta réflexion fait naître pour moi une question subsidiaire : serait-il pertinent d’observer les différents degrés de visions de l’intérieur/de l’extérieur ? La composition même de l’équipe d’Expéditions contient cette mosaïque de visions plus ou moins en proximité/en distance, plus ou moins intérieures/extérieures selon le point de vue qu’on adopte (les personnes qui vivent sur les territoires explorés < les personnes qui travaillent sur les territoires explorés < les personnes qui y vivent et y travaillent pour la première fois)
En quoi ces différents degrés et ces prises de distance relative peuvent nous apprendre quelque chose sur la figure de l'explorateur, celui qui explore son propre territoire avec un regard neuf comme celui qui explore un territoire voisin ?