Exploration : acte 2

“La carte est ouverte, elle est connectable dans toutes ses dimensions, démontable, renversable, susceptible de recevoir constamment des modifications. Elle peut être déchirée, renversée, s’adapter à des montages de toute nature, être mise en chantier par un individu, un groupe, une formation sociale. On peut la dessiner sur un mur, la concevoir comme une œuvre d’art, la construire comme un acte politique ou comme une médiation. C’est peut-être un des caractères les plus importants du rhizome, d’être toujours à entrées multiples” G. Deleuze, F. Guattari*

Les négociations entre les explorateurs, les rapports de pouvoir, les stratégies et la tacticité des enfants et des adultes s’illustrent autour du travail de cartographie. Mon premier jet cartographique s’est ainsi organisé à partir de ma volonté, de mes observations et écoutes. Les premiers points de repère sont ainsi constitués par mon choix initial de dessiner le parcours de la première ballade collective (samedi après-midi). Les lieux d’arrêt sont marqués sur la carte et légendés par les discours qui ont alors été tenus. Si la ballade devait être guidée par les enfants, on s’aperçoit vite qu’ils n’ont décidé d’aucun arrêt, ils ont simplement décris avec les autres les lieux entourant ces points d’arrêt décidés par les adultes (parent, membre du GRPAS, artistes, chercheurs). De la même manière, le lendemain, nous avons réutilisé cette première carte pour explorer à nouveau le quartier avec un groupe d’enfants (dimanche). Malgré la consigne initiale de s’en inspirer mais aussi de s’en éloigner, nous avons reproduis à peu près le même parcours. La seule exception, qui a peut-être ouvert des portes d’ailleurs, est la négociation de la sortie au parc qui a permis aux enfants de se défouler et pour mon travail, d’agrandir la carte. Dans la description du « territoire » par les enfants, hier (mardi) apparaissent principalement ces parcs, les magasins, les lieux d’habitations des uns et des autres, l’école, soit des endroits où ils sont souvent emmenés par des adultes. L’un des lieux où ils peuvent se rejoindre entre enfants semble être ‘’le terrain’’ (terrain de foot) et son voisin ‘’le terrain de basket’’. Si je dispose d’un nouveau temps d’exploration avec eux dans le quartier (j’envisage plutôt de « sortir » les prochains jours), nous irons, s’ils le veulent, explorer ce ‘’lieu approprié’’.

Ce petit résumé du travail cartographique m’amène à un constat : je me surprends à quadriller l’espace pour y apposer ensuite les libertés créatrices des enfants : les lieux dessinés.  La seule carte découpée (au sens propre) en morçeaux est celle des enfants. C’est pourquoi je garderai aussi les cartes papiers (les autres sont sur papier calque) qu’ils négocient lors des explorations.

Il s’agit donc désormais d’aller là où me mènent les enfants, dans le quartier (le ‘’terrain’’) et en dehors. Le lieu de la sortie de demain sera ainsi décidée par les enfants que je rencontre tout-à-l’heure en fonction de leur connaissances dans la ville et de leurs envies, nous irons explorer ce territoire. Vendredi, je souhaite aller en centre-ville précisément dans un endroit qu’ils ne connaitront pas (et qui reste à définir). Dans les deux cas, nous irons interroger des adultes ensemble.

Je travaille également sur le carte des explorateurs autour de leur spatialisation de la ville, du quartier, de leurs discours sur l’espace, les identités, les langues et pratiques langagières. Je leur demande de dessiner des cartes du territoire qu’ils sont en train d’explorer et de situer leur exploration en cours sur celles-ci. Nous superposerons ensuite ces cartes. J’en avais prévu deux ou trois (explorateurs – habitants, ou explorateurs – enfants – habitants), chacune superposant plusieurs calques illustrant les différents regards portés sur l’espace et son occupation. Elles pourront en fait se superposer ou se décomposer selon qu’elles sont manipulées par les uns ou les autre.

En attendant, je m’apprête à aller interviewer le restaurateur rapide de la dalle commerciale voisine avec un groupe d’enfants. Nous allons constituer ensemble le questionnaire pour apprendre des choses sur ce monsieur, sur son territoire, sur sa/ses langues et pratiques langagières et sur ses points de vue sur ces questions. Il est possible que des jeunes d’un village voisin, en ballade cette après-midi avec les explorateurs nous accompagnent dans notre expédition, une situation singulière et des interactions à observer…

*G. DELEUZE, F. GUATTARI, Capitalisme et Schizophrénie, tome 2 : Mille Plateaux, Editions de Minuit, 1970 : p. 20

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