Le principe même

Discussions hier avec Pierre et David sur le travail de chercheur en sciences sociales. Sur la difficulté de travailler avec des enfants, sur les protocoles mis en place. Sur l’impact voulu des entretiens.

Parce que je reste persuadée, et c’est aussi l’approche psychosociolinguistique qui propose ça, mais je reste persuadée que dans un contexte francophone, pour moi, la façon la plus évidente de marquer l’espace social, d’avoir l’impression de proposer quelque chose aux gens qui habitent ici, c’est en travaillant en duo avec des personnes ressources et en leur proposant un entretien réflexif sur leur propre vie, comme le propose VAN HOOLAND ( 2005, 2006), qui soit donc un entretien biographique. Pour moi, finalement, l’important est d’apporter quelque chose aux personnes avec lesquelles je travaille (cela revient à ce que j’avais écris ici : http://expedition-s.eu/les-carnets-de-residence/dedans-dehors-2/), or les entretiens réflexifs que je cherche à mener me semble pouvoir, malgré tout, apporter quelque chose. Prendre le temps de réfléchir. Proposer un processus de réflexion et quelqu’un pour écouter ces réflexions.

Les sujets que j’ai l’habitude de traiter sont des sujets considérés comme sensibles et qui m’incitent à prendre des précautions importantes pour ne pas heurter mes interlocuteurs, pour ne pas les abimer dans leurs identités. Qui prennent du temps et nécessitent de tisser des liens de confiance entre moi et mes collaborateurs, afin qu’ils puissent parler sans peur d’être jugés.
Le contexte hispanophone rendait pour moi difficile cette complicité et je remarque que j’ai ici besoin de temps pour créer ces liens en question. Les contextes moins enclins aux relations en duo complexifie finalement mon rapport aux personnes avec qui je souhaite travailler. Pierre a énoncé l’impossibilité de se positionner ainsi sans avoir une véritable connaissance en psychologie. VAN HOOLAND (2006) explique que pour elle il ne s’agit pas de confondre le rôle d’un psychosociolinguiste avec celui d’un psychologue, et qu’il ne s’agit pas d’avoir l’intention d’aider l’autre. Je ne suis pas d’accord avec ça, même si je suis d’accord qu’il est important, en tant que scientifique, de ne pas mélanger les rôles, il est pourtant essentiel de proposer une approche bienveillante (non dans un sens hiérarchique mais bien dans celui de respecter autrui dans ce qu’il dit être et lui permettre de se dire de se réfléchir s’il le souhaite et de respecter qu’il ne le souhaite pas). Pour moi, c’est la seule façon de concevoir un impact des sciences sociales – en tous cas de celles dont je me réclame – telles que je les envisage , c’est dans le rapport interpersonnel direct. N’ont-elles pas pour vocation de proposer une alternative aux représentations excluantes? Si la sociolinguistique reste liée à l’idée de lutter contre les discriminations toutes les fois où le langage est impliqué, ce dont elle se réclame, comment ne pas vouloir “aider” autrui? N’est-ce pas là le principe même de cette discipline?

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Eléments de bibliographie

VAN HOOLAND Michelle, 2005, La Troisième personne, L’Harmattan, Paris, 343 pages.

VAN HOOLAND Michelle, 2006, Maltraitance communicationnelle, L’Harmattan, Paris, 301 pages.

 

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