Arriver ici / Arriving here.

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Arriver ici.

Évidemment, le temps de l’écriture et le temps de la résidence se décalent déjà. D’autant plus certainement que la barrière linguistique condamne l’étranger que je suis à l’interprétation laborieuse, aux incompréhensions, et le cerveau à l’hyper activité. Situation dans laquelle il est en permanence difficile de se situer, dans l’espace, bien sûr, mais aussi dans les interactions (de qui faut-il se méfier ici ? ), dans les activités ordinaires (impossible d’évaluer les promesses d’une vitrine, et même de différencier les noms des rues dans un premier temps).

La masse bruissante d’une langue inconnue constitue une protection délicieuse, enveloppe l’étranger (pour peu que le pays ne lui soit pas hostile) d’une pellicule sonore qui arrête à ses oreilles toutes les aliénations de la langue maternelle : l’origine, régionale et sociale, de qui la parle, son degré de culture, d’intelligence, de goût l’image à travers laquelle il se constitue comme personne et qu’il vous demande de reconnaître.
R. Barthes.

J’avais vu déjà Nolwenn ou Zofia aux prises avec cette situation de handicap linguistique, d’autant plus importante peut-être pour les chercheurs de l’équipe que le langage est la matière première, l’outil et le résultat de leur travail. «J’ai des idées à même la langue» écrivait encore R. Barthes, mais bien sûr ici, à même la langue le sens se dérobe et il ne reste que des sons étranges, des vitesses, des intensités dont on cherche la portée dans les regards et dans les gestes.

J’ai cherché à anticiper cette situation : 

Je suis venu avec un bon appareil photo, et l’idée de pouvoir capturer les signes, en ralentir le flux, les ramener à la maison, pouvoir les regarder sous toutes les coutures, sortir l’interprétation de l’urgence d’avoir à réagir.

Je suis également venu avec le projet de « fabriquer » quelque chose, notamment avec les adolescents d’ici. Se mettre dans une situation de peu de mots, dans une situation se développant sur un fond de gestes déjà connus, partagés : taper sur un clou, assembler ou séparer deux morceaux… Une situation dans laquelle « on se comprend » facilement, dans laquelle il suffit de désigner un objet pour que l’autre sache ce que l’on attend qu’il en fasse.

Reste à savoir ce que l’on pourrait construire : ce qu’il serait pertinent de construire ici, avec ces personnes-là, ce qui pourrait motiver la participation d’adolescents dont les préoccupations quotidiennes sont a priori éloignées des miennes. Reste enfin à savoir quelle projet de construction pourrait avoir une « dimension sociologique », être susceptible de fonctionner comme un instrument pour l’enquête.

Arriving here.

Of course, the time of writing and the time of residence are already shifting. Especially since the language barrier condemns the stranger that I am to laborious interpretations, to misunderstandings, and condemns the brain to hyper activity. Situation in which it is always difficult to locate yourself, in space of course but also in the interactions (of whom should I be wary here?), in ordinary activities (impossible to evaluate the promises of a shop window, and even to differentiate street names at first).

The rustling mass of an unknown language constitutes a delicious protection, enveloping the foreigner (as long as the country is not hostile to him) by an audible pellicle which stops at his ears all alienations of the mother tongue : the origin, regional and social, of who speaks it, his degree of culture, intelligence, taste, the image through which he constitutes himself as an individual and that he asks you to recognize.
R. Barthes.

I had already seen Nolwenn or Zofia struggling with this language disability, even more important perhaps for the researchers in the team, to which language is the raw material, the tool and the results of their work . « I have ideas directly on the language » still wrote R. Barthes, but of course here « directly on the language » the meaning slips away and remains only strange sounds, speeds, intensities, which one seeks the range of in eyes and gestures.

I tried to anticipate this situation : 

I came up with a good camera, and with the idea of ​​being able to capture the signs, to slow down their flow, to bring them back to home to be able to watch them from every angle, to get the interpretation out of the emergency of having to react.

I also came with the project to « manufacture » something, especially with the teenagers here. To get into a situation of few words, in a situation developing itself on a background of gestures already known and shared : typing on a nail, assembling two separated pieces … A situation in which « we understand each other » easily, in which it’s enough to refer to an object to ensure that the other knows what he is expected to do with it.

Remains to be seen what could be constructed : what would be appropriate to manufacture here, with these people, what might motivate the participation of adolescents whose daily concerns are a priori distant from mine.
There finally remains to be seen which manufacturing project could have a « sociological dimension », may be capable of operating as a tool for the survey.

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1 Commentaire pour “Arriver ici / Arriving here.”

  1. Paloma dit :

    Merci, Pierre.
    ton article nous ouvre une porte à ton Expédition.
    La lumière de la ville, l’étranger que tu es là-bas.
    Plein de possibles… courage! et plein de belles rencontres!

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Arriver ici.

Évidemment, le temps de l’écriture et le temps de la résidence se décalent déjà. D’autant plus certainement que la barrière linguistique condamne l’étranger que je suis à l’interprétation laborieuse, aux incompréhensions, et le cerveau à l’hyper activité. Situation dans laquelle il est en permanence difficile de se situer, dans l’espace, bien sûr, mais aussi dans les interactions (de qui faut-il se méfier ici ? ), dans les activités ordinaires (impossible d’évaluer les promesses d’une vitrine, et même de différencier les noms des rues dans un premier temps).

La masse bruissante d’une langue inconnue constitue une protection délicieuse, enveloppe l’étranger (pour peu que le pays ne lui soit pas hostile) d’une pellicule sonore qui arrête à ses oreilles toutes les aliénations de la langue maternelle : l’origine, régionale et sociale, de qui la parle, son degré de culture, d’intelligence, de goût l’image à travers laquelle il se constitue comme personne et qu’il vous demande de reconnaître.
R. Barthes.

J’avais vu déjà Nolwenn ou Zofia aux prises avec cette situation de handicap linguistique, d’autant plus importante peut-être pour les chercheurs de l’équipe que le langage est la matière première, l’outil et le résultat de leur travail. «J’ai des idées à même la langue» écrivait encore R. Barthes, mais bien sûr ici, à même la langue le sens se dérobe et il ne reste que des sons étranges, des vitesses, des intensités dont on cherche la portée dans les regards et dans les gestes.

J’ai cherché à anticiper cette situation : 

Je suis venu avec un bon appareil photo, et l’idée de pouvoir capturer les signes, en ralentir le flux, les ramener à la maison, pouvoir les regarder sous toutes les coutures, sortir l’interprétation de l’urgence d’avoir à réagir.

Je suis également venu avec le projet de « fabriquer » quelque chose, notamment avec les adolescents d’ici. Se mettre dans une situation de peu de mots, dans une situation se développant sur un fond de gestes déjà connus, partagés : taper sur un clou, assembler ou séparer deux morceaux… Une situation dans laquelle « on se comprend » facilement, dans laquelle il suffit de désigner un objet pour que l’autre sache ce que l’on attend qu’il en fasse.

Reste à savoir ce que l’on pourrait construire : ce qu’il serait pertinent de construire ici, avec ces personnes-là, ce qui pourrait motiver la participation d’adolescents dont les préoccupations quotidiennes sont a priori éloignées des miennes. Reste enfin à savoir quelle projet de construction pourrait avoir une « dimension sociologique », être susceptible de fonctionner comme un instrument pour l’enquête.

Arriving here.

Of course, the time of writing and the time of residence are already shifting. Especially since the language barrier condemns the stranger that I am to laborious interpretations, to misunderstandings, and condemns the brain to hyper activity. Situation in which it is always difficult to locate yourself, in space of course but also in the interactions (of whom should I be wary here?), in ordinary activities (impossible to evaluate the promises of a shop window, and even to differentiate street names at first).

The rustling mass of an unknown language constitutes a delicious protection, enveloping the foreigner (as long as the country is not hostile to him) by an audible pellicle which stops at his ears all alienations of the mother tongue : the origin, regional and social, of who speaks it, his degree of culture, intelligence, taste, the image through which he constitutes himself as an individual and that he asks you to recognize.
R. Barthes.

I had already seen Nolwenn or Zofia struggling with this language disability, even more important perhaps for the researchers in the team, to which language is the raw material, the tool and the results of their work . « I have ideas directly on the language » still wrote R. Barthes, but of course here « directly on the language » the meaning slips away and remains only strange sounds, speeds, intensities, which one seeks the range of in eyes and gestures.

I tried to anticipate this situation : 

I came up with a good camera, and with the idea of ​​being able to capture the signs, to slow down their flow, to bring them back to home to be able to watch them from every angle, to get the interpretation out of the emergency of having to react.

I also came with the project to « manufacture » something, especially with the teenagers here. To get into a situation of few words, in a situation developing itself on a background of gestures already known and shared : typing on a nail, assembling two separated pieces … A situation in which « we understand each other » easily, in which it’s enough to refer to an object to ensure that the other knows what he is expected to do with it.

Remains to be seen what could be constructed : what would be appropriate to manufacture here, with these people, what might motivate the participation of adolescents whose daily concerns are a priori distant from mine.
There finally remains to be seen which manufacturing project could have a « sociological dimension », may be capable of operating as a tool for the survey.

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Évidemment, le temps de l’écriture et le temps de la résidence se décalent déjà. D’autant plus certainement que la barrière linguistique condamne l’étranger que je suis à l’interprétation laborieuse, aux incompréhensions, et le cerveau à l’hyper activité. Situation dans laquelle il est en permanence difficile de se situer, dans l’espace, bien sûr, mais aussi dans les interactions (de qui faut-il se méfier ici ? ), dans les activités ordinaires (impossible d’évaluer les promesses d’une vitrine, et même de différencier les noms des rues dans un premier temps).

La masse bruissante d’une langue inconnue constitue une protection délicieuse, enveloppe l’étranger (pour peu que le pays ne lui soit pas hostile) d’une pellicule sonore qui arrête à ses oreilles toutes les aliénations de la langue maternelle : l’origine, régionale et sociale, de qui la parle, son degré de culture, d’intelligence, de goût l’image à travers laquelle il se constitue comme personne et qu’il vous demande de reconnaître.
R. Barthes.

J’avais vu déjà Nolwenn ou Zofia aux prises avec cette situation de handicap linguistique, d’autant plus importante peut-être pour les chercheurs de l’équipe que le langage est la matière première, l’outil et le résultat de leur travail. «J’ai des idées à même la langue» écrivait encore R. Barthes, mais bien sûr ici, à même la langue le sens se dérobe et il ne reste que des sons étranges, des vitesses, des intensités dont on cherche la portée dans les regards et dans les gestes.

J’ai cherché à anticiper cette situation : 

Je suis venu avec un bon appareil photo, et l’idée de pouvoir capturer les signes, en ralentir le flux, les ramener à la maison, pouvoir les regarder sous toutes les coutures, sortir l’interprétation de l’urgence d’avoir à réagir.

Je suis également venu avec le projet de « fabriquer » quelque chose, notamment avec les adolescents d’ici. Se mettre dans une situation de peu de mots, dans une situation se développant sur un fond de gestes déjà connus, partagés : taper sur un clou, assembler ou séparer deux morceaux… Une situation dans laquelle « on se comprend » facilement, dans laquelle il suffit de désigner un objet pour que l’autre sache ce que l’on attend qu’il en fasse.

Reste à savoir ce que l’on pourrait construire : ce qu’il serait pertinent de construire ici, avec ces personnes-là, ce qui pourrait motiver la participation d’adolescents dont les préoccupations quotidiennes sont a priori éloignées des miennes. Reste enfin à savoir quelle projet de construction pourrait avoir une « dimension sociologique », être susceptible de fonctionner comme un instrument pour l’enquête.

Arriving here.

Of course, the time of writing and the time of residence are already shifting. Especially since the language barrier condemns the stranger that I am to laborious interpretations, to misunderstandings, and condemns the brain to hyper activity. Situation in which it is always difficult to locate yourself, in space of course but also in the interactions (of whom should I be wary here?), in ordinary activities (impossible to evaluate the promises of a shop window, and even to differentiate street names at first).

The rustling mass of an unknown language constitutes a delicious protection, enveloping the foreigner (as long as the country is not hostile to him) by an audible pellicle which stops at his ears all alienations of the mother tongue : the origin, regional and social, of who speaks it, his degree of culture, intelligence, taste, the image through which he constitutes himself as an individual and that he asks you to recognize.
R. Barthes.

I had already seen Nolwenn or Zofia struggling with this language disability, even more important perhaps for the researchers in the team, to which language is the raw material, the tool and the results of their work . « I have ideas directly on the language » still wrote R. Barthes, but of course here « directly on the language » the meaning slips away and remains only strange sounds, speeds, intensities, which one seeks the range of in eyes and gestures.

I tried to anticipate this situation : 

I came up with a good camera, and with the idea of ​​being able to capture the signs, to slow down their flow, to bring them back to home to be able to watch them from every angle, to get the interpretation out of the emergency of having to react.

I also came with the project to « manufacture » something, especially with the teenagers here. To get into a situation of few words, in a situation developing itself on a background of gestures already known and shared : typing on a nail, assembling two separated pieces … A situation in which « we understand each other » easily, in which it’s enough to refer to an object to ensure that the other knows what he is expected to do with it.

Remains to be seen what could be constructed : what would be appropriate to manufacture here, with these people, what might motivate the participation of adolescents whose daily concerns are a priori distant from mine.
There finally remains to be seen which manufacturing project could have a « sociological dimension », may be capable of operating as a tool for the survey.

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Évidemment, le temps de l’écriture et le temps de la résidence se décalent déjà. D’autant plus certainement que la barrière linguistique condamne l’étranger que je suis à l’interprétation laborieuse, aux incompréhensions, et le cerveau à l’hyper activité. Situation dans laquelle il est en permanence difficile de se situer, dans l’espace, bien sûr, mais aussi dans les interactions (de qui faut-il se méfier ici ? ), dans les activités ordinaires (impossible d’évaluer les promesses d’une vitrine, et même de différencier les noms des rues dans un premier temps).

La masse bruissante d’une langue inconnue constitue une protection délicieuse, enveloppe l’étranger (pour peu que le pays ne lui soit pas hostile) d’une pellicule sonore qui arrête à ses oreilles toutes les aliénations de la langue maternelle : l’origine, régionale et sociale, de qui la parle, son degré de culture, d’intelligence, de goût l’image à travers laquelle il se constitue comme personne et qu’il vous demande de reconnaître.
R. Barthes.

J’avais vu déjà Nolwenn ou Zofia aux prises avec cette situation de handicap linguistique, d’autant plus importante peut-être pour les chercheurs de l’équipe que le langage est la matière première, l’outil et le résultat de leur travail. «J’ai des idées à même la langue» écrivait encore R. Barthes, mais bien sûr ici, à même la langue le sens se dérobe et il ne reste que des sons étranges, des vitesses, des intensités dont on cherche la portée dans les regards et dans les gestes.

J’ai cherché à anticiper cette situation : 

Je suis venu avec un bon appareil photo, et l’idée de pouvoir capturer les signes, en ralentir le flux, les ramener à la maison, pouvoir les regarder sous toutes les coutures, sortir l’interprétation de l’urgence d’avoir à réagir.

Je suis également venu avec le projet de « fabriquer » quelque chose, notamment avec les adolescents d’ici. Se mettre dans une situation de peu de mots, dans une situation se développant sur un fond de gestes déjà connus, partagés : taper sur un clou, assembler ou séparer deux morceaux… Une situation dans laquelle « on se comprend » facilement, dans laquelle il suffit de désigner un objet pour que l’autre sache ce que l’on attend qu’il en fasse.

Reste à savoir ce que l’on pourrait construire : ce qu’il serait pertinent de construire ici, avec ces personnes-là, ce qui pourrait motiver la participation d’adolescents dont les préoccupations quotidiennes sont a priori éloignées des miennes. Reste enfin à savoir quelle projet de construction pourrait avoir une « dimension sociologique », être susceptible de fonctionner comme un instrument pour l’enquête.

Arriving here.

Of course, the time of writing and the time of residence are already shifting. Especially since the language barrier condemns the stranger that I am to laborious interpretations, to misunderstandings, and condemns the brain to hyper activity. Situation in which it is always difficult to locate yourself, in space of course but also in the interactions (of whom should I be wary here?), in ordinary activities (impossible to evaluate the promises of a shop window, and even to differentiate street names at first).

The rustling mass of an unknown language constitutes a delicious protection, enveloping the foreigner (as long as the country is not hostile to him) by an audible pellicle which stops at his ears all alienations of the mother tongue : the origin, regional and social, of who speaks it, his degree of culture, intelligence, taste, the image through which he constitutes himself as an individual and that he asks you to recognize.
R. Barthes.

I had already seen Nolwenn or Zofia struggling with this language disability, even more important perhaps for the researchers in the team, to which language is the raw material, the tool and the results of their work . « I have ideas directly on the language » still wrote R. Barthes, but of course here « directly on the language » the meaning slips away and remains only strange sounds, speeds, intensities, which one seeks the range of in eyes and gestures.

I tried to anticipate this situation : 

I came up with a good camera, and with the idea of ​​being able to capture the signs, to slow down their flow, to bring them back to home to be able to watch them from every angle, to get the interpretation out of the emergency of having to react.

I also came with the project to « manufacture » something, especially with the teenagers here. To get into a situation of few words, in a situation developing itself on a background of gestures already known and shared : typing on a nail, assembling two separated pieces … A situation in which « we understand each other » easily, in which it’s enough to refer to an object to ensure that the other knows what he is expected to do with it.

Remains to be seen what could be constructed : what would be appropriate to manufacture here, with these people, what might motivate the participation of adolescents whose daily concerns are a priori distant from mine.
There finally remains to be seen which manufacturing project could have a « sociological dimension », may be capable of operating as a tool for the survey.

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